la lecture de Christophe.B, Dany.C,


Pour vous mettre dans l’ambiance du livre (et vous donner envie de le lire) :

"Par la vérité de Dieu j’ai été inhumain. Je n’ai pas écouté mon ami, j’ai écouté mon ennemi. Alors, quand j’attrape l’ennemi d’en face, quand je lis dans ses yeux bleus les hurlements que sa bouche ne peut pas lancer au ciel de la guerre, quand son ventre ouvert n’est plus qu’une bouillie de chair crue, je rattrape le temps perdu, j’achève l’ennemi. Dès sa seconde supplication des yeux, je lui tranche la gorge comme aux moutons de sacrifice. Ce que je n’ai pas fait pour Mademba Diop, je le fais pour mon ennemi aux yeux bleus. Par humanité retrouvée.

Et puis je lui prends son fusil après lui avoir coupé la main droite au coupe-coupe. C’est long et très, très, difficile. Quand je rentre chez nous en rampant, passant sous les barbelés, les piques de bois hérissant la boue gluante, quand je retourne à notre tranchée ouverte comme une femme à la face du ciel, je suis couvert du sang de l’ennemi d’en face. Je suis comme une statue de boue et de sang mêlés et je pue tellement que même les rats me fuient."

 L’histoire:

C'est celle d’un tirailleur sénégalais plongé dans l’enfer et l’absurdité de la première guerre mondiale. 

Plus qu’un récit écrit de manière très réaliste, ce monologue intérieur dépeint les sentiments qui se bousculent dans la tête du personnage. 

Sentiment de trahison qui le hante vis-à-vis de son ami d’enfance qu’il refuse d’achever sur le champ de bataille malgré les supplications de ce dernier d’abréger ses souffrances, sentiment de vengeance à l’encontre de ceux qu’il combat et qu’il regroupe sous l’appellation anonyme de l’ennemi d’en face aux yeux bleus, sentiment d’incompréhension lorsque la hiérarchie militaire, d’abord admirative de ses exploits, se décide finalement à l’écarter en lui préconisant du repos à l’arrière des lignes. 

L’histoire est aussi celle du cheminement d’un homme « normal » qui part à la guerre faire son devoir, en quête de reconnaissance voire d’ascension sociale et que les circonstances amènent peu à peu à sombrer dans une folie meurtrière et sauvage. C’est à une sorte de dédoublement de la personnalité auquel nous assistons et malgré l’horreur des actes commis de sang-froid c’est d’abord le mot de victime qui nous parait le mieux définir le personnage central. 

L’avis du Délirien: ⭐⭐⭐⭐⭐

Livre puissant, magnifique de réalisme, où l’auteur, en véritable conteur africain, nous entraîne sans un moment de répit. L’ouvrage est court, à peine une centaine de pages, mais d’une densité incroyable. J’ai adoré et je recommande   

 Quelques mots sur l’auteur :

David DIOP est un écrivain-chercheur français d’origine sénégalaise, né à Paris il y a 58 ans. Il a fait ses études à l’université de la Sorbonne et est spécialiste de littérature du XVIII è siècle.

Le roman Frère d’âmes dont nous venons de parler lui a valu notamment le prix Goncourt des lycéens. 

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