La lecture de Nicole.S: "Les amants de Casablanca" de Tahar Ben Jelloun...Scènes de la non-vie conjugale....

Tahar BEN JELLOUN a merveilleusement exposé les défis de notre temps auxquels est confronté le royaume chérifien, oscillant entre tradition et modernité. Plusieurs thèmes riches traversent ce roman, «les amants de Casablanca» : l’amour, le désir, le sexe, la trahison, le mensonge, le chagrin, le remords, l’amitié, l’argent, l’apparence, l’hypocrisie, la religion, le statut de la femme, la littérature, le cinéma, la cause palestinienne, la superstition, la créolisation de la langue française au Maghreb et le racisme.

«Il m'a quittée, je te quitte» dit la femme, Lamia, une pharmacienne, à son mari, Nabile, un médecin pédiatre, après 10 ans de vie commune. 

Originaires de Fès, ville de tradition et d’authenticité, mais devenus des éléments de la bourgeoisie de Casablanca, ce couple rejette la fantaisie ou le désordre. «Le monde est en paix et le ciel sans nuages» dit-on. 

Tout baignait dans cette famille modèle, ses dîners arrosés et ses vacances en Espagne, à Marbella. Ils ont un garçon, une fille, adopté une autre fille, et construit une belle villa dans les hauteurs d’Anfa, le quartier huppé de Casa : 

«La vie était facile, le ciel d’un bleu limpide et la paix régnait sur leur monde. Entre eux, c’était du solide. Et puis, ils appartenaient à des familles où l’on ne divorçait pas, où l’infidélité était de l’ordre de l’inconcevable. La famille était la base de tout, on ne faisait rien en dehors» écrit-il.

Et pourtant, dès leur rencontre à Paris, Lamia, dans l’europhorie des premiers jours de cette idylle, l’héroïne du roman, Lamia, semblait être pessimiste pour l’avenir du couple : «Tu vas te marier, tu auras des enfants, tu prendras du poids, tu connaîtras l’ennui et la solitude de la conjugalité, les repas interminables chez papa et maman, et un jour, tu tomberas dans une belle dépression» dit-elle à Nabile, son fiancé et futur mari. 

En effet, «Les amants de Casablanca», regorgeant de références littéraires, rappelle la «Belle du Seigneur» d’Albert COHEN , un drame de l’amour en trois épisodes : la séduction, puis la conquête suivie d’une destruction. Mais comme on l’a dit, en dépit des blessures, de la tension et de la douleur, «les amants de Casablanca» est un roman qui se termine bien.

Devant la trahison de sa femme, Nabile repense à cette citation de Milan KUNDERA «Ne pouvoir vivre qu’une vie, c’est comme ne pas vivre du tout», écrit cet auteur dans «l’insoutenable légèreté de l’être»

En effet, dans ce roman, Tahar BEN JELLOUN dresse une gallérie de portraits de femmes marocaines, de la bourgeoisie de Casablanca, vivant désormais seules, indépendantes et riches, arrogantes et jouissives, à la découverte de leur corps et d'elles-mêmes.

«Casa est une ville géante, crasseuse, une ville dure où les plus riches côtoient les plus pauvres. C’est une ville où les frustrations sont criantes, où les valeurs sont écrasées par l’arrogance du fric, de l’arrivisme, de la corruption. Ici, l’argent, ça se montre. … On aime tous la fête. A Casa, certains vont de fête en fête sans jamais se reposer, ni se poser des questions. C’est la ville idéale pour ce genre d’activité. Le fric et le sexe» écrit-il.

L'avis du délirien: ⭐⭐⭐⭐

J'ai beaucoup aimé ce livre. Les roman de Tahar Ben Jelloun, m'ont toujours attirée...

La description de la vie marocaine à Casablanca m'a bien sur interpellée, vous savez tous pourquoi....Mais là, la vie décrite de cette société où très riches, peu nombreux, et très pauvres se côtoient, m'a dérangée. On est loin des clichés touristiques !

Cette société me parait tellement archaïque, où les femmes doivent se battre comme nous en France il y a cinquante ans.....

A propos de l'auteur:

Tahar Ben Jelloun né à Fès en 1947, est écrivain et poète marocain de langue française.

Après avoir fréquenté une école primaire bilingue arabo-francophone, il étudie au lycée français de Tanger jusqu'à l'âge de dix-huit ans, puis fait des études de philosophie à l'université Mohammed V de Rabat, où il écrit ses premiers poèmes. Il enseigne ensuite la philosophie au Maroc. Mais, en 1971, à la suite de l'arabisation de l'enseignement de la philosophie, il doit partir pour la France, n'étant pas formé pour la pédagogie en arabe. Il s'installe à Paris pour poursuivre ses études de psychologie.

À partir de 1972, il écrit de nombreux articles pour le quotidien Le Monde. En 1975, il obtient un doctorat de psychiatrie sociale. . En 1985, il publie le roman "L'Enfant de sable" qui le rend célèbre. Il obtient le prix Goncourt en 1987 pour "La Nuit sacrée".

Tahar Ben Jelloun vit actuellement à Tanger avec sa femme et ses enfants, pour qui il a écrit plusieurs ouvrages pédagogiques "Le Racisme expliqué à ma fille, 1998"

Il est aujourd'hui régulièrement sollicité pour des interventions dans des écoles et universités marocaines, françaises et européennes.

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