La lecture de Nicole.S: "Blizzard" de Marie Vingtras...Une voix dans la tourmente....


Dans le Grand Nord en Alaska, le blizzard souffle, c’est une tempête de neige qui peut durer des jours. On n’y voit rien à 1 mètre de soi, et encore. Le vent souffle, glacial, la neige vous frappe, vous engloutirait si vous ne bougez pas. 

Et Bess vient de sortir, avec l’enfant. Alors que jamais, au grand jamais il ne faut sortir par ce temps, au risque d’y perdre la vie en peu de temps. 
Quand on sait que la tempête arrive, on relève ses pièges, on bouche les fissures de la maison, on rentre assez de bois pour tenir quelques jours. 

Et on reste au chaud, comme pensait le faire Benedict, dans cette maison solide, construite par ses ancêtres. 
Mais soudain Benedict, le père de l’enfant, voit sa porte ouverte, depuis sa chambre, et la neige est en train de s’engouffrer par paquets. Les manteaux ne sont plus là, ni les bottes du petit.

Bess vient de lâcher la main du petit garçon, pour refaire ses lacets, elle a senti sa chaussure glisser. 

Et pour cette seconde d’inattention, l’enfant a disparu de sa vue, emporté par le brouillard. Elle se met à chercher, sans y voir clair, sans voir de traces, à cause de cette neige et ce vent. 

Autour d’elle, elle ne voit rien, elle essaie de se guider avec les arbres. 

Pendant ce temps, Benedict court frapper chez Cole, qui vit ici depuis le temps où il travaillait pour le père de Benedict, dans la scierie, qui a fini par fermer. Ici, ce n’est même pas un village. 

Ce n’est qu’un petit hameau perdu, sans téléphone, sans rien, et les forces sont peu nombreuses : à part Bess, Benedict et Cole, il y a Freeman, un homme arrivé là dans ce trou perdu d’Alaska, il y a plusieurs mois. Vétéran du Vietnam, il a des blessures en lui, tout comme chacun des personnages ici. 

Seul Clifford ne bouge pas, déjà saoul de son alcool frelaté.

Par des phrases courtes et claires, Marie Vingtras exprime le cours des pensées des quatre personnes partis chercher l’enfant en danger de mort, parce qu’il n’est pas né ici, il a dix ans mais celà ne fait que quelques mois qu’il est arrivé ici, avec son père. 

Et il y a des crevasses peu visibles. 

Chaque personnage parle tour à tour, revoyant son passé alors qu’ils luttent contre les éléments, chaque personnage a des traumatismes, des manques, a fait des erreurs de parcours. Chaque personnage a des choses à cacher. 

Chaque personnage a été repoussé jusqu’à ce coin perdu, ce hameau où était arrivée la famille Mayer arrivée de France des générations et des générations avant Benedict, et même son père, le grand Magnus, qui lui a tout appris pour vivre ici et y survivre.

C’est un livre court, mais les émotions et le vécu des protagonistes sont concentrés, dans un style d’une simplicité douce et facile. Le destin de chacun est lié, et le suspense monte. C’est à la fois prenant et noir, dans toute cette blancheur de neige et de blizzard. Un tour de force. C’est magnifique.

 « Les disparus occupent parfois plus de place que les vivants. »

« Personne n’a compris qu’à l’intérieur de moi il manquait bien un morceau, qu’un trou dans la chair laissait s’échapper mon souffle. »

« Oui, c’est vrai, j’ai dormi, pour que la douleur reste enfermée dans mon corps, qu’elle pénètre chaque cellule de chaque organe et ne fasse plus qu’un avec moi, moi qui avais failli pour un plaisir dérisoire que je n’ai jamais trouvé. »

L'avis du délirien: ⭐⭐⭐⭐

Un  premier roman sombre sur la paternité et la culpabilité, bien construit et au suspense efficace.

On avance, comme les personnages, à l’aveugle dans une intrigue où le motif n’apparaît qu’au fil des indices disséminés au détour des phrases.

 Marie Vingtras a une plume admirable et délicate. Elle sait dépeindre avec justesse la complexité des hommes et l’ambiance de ces lieux reculés. Prisonnière de ce huis-clos extérieur, je suis restée en apnée tout au long de l’aventure jusqu’au final, qui réserve de grosses surprises.

 Ce premier roman est une véritable réussite. 

A propos de l'auteure:

Marie Vingtras, née à Rennes en 1972, est une écrivaine française. Elle emprunte son nom de plume à Arthur Vingtras (1855-1929), de son vrai nom Caroline Rémy, une journaliste et écrivaine française connue comme la première femme à diriger un quotidien de renom, le journal intitulé Le Cri du peuple.

L'écriture fluide de ce roman, rythmé comme un thriller, est inspirée de celle de Trailer park de Russell Banks ou du Testament à l'anglaise de Jonathan Coe.

Elle reçoit le Prix des libraires pour "Blizzard" son premier roman, en 2022.

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