La lecture de Nicole.S: "La fille de la supérette" de Sayaka Murata...trouver sa place.....



Keiko a trente-six ans et vit à contre-courant. Célibataire et sans enfant, elle travaille depuis toujours dans un konbini, une de ces supérettes japonaises où l’on vend de tout, tout le temps. 
Keiko s’y sent comme un poisson dans l’eau alors que son entourage se demande quand est-ce qu’elle va réellement entrer dans le moule de la société et enfin débuter sa vie de femme. 

Son existence bascule à l’arrivée de Shiraha, un nouvel employé lui aussi célibataire.

Sayaka Murata, l’auteure, nous plonge dans une histoire simple et sans accroc qui pourrait se dérouler dans bien des villes sur le globe. 
Cette femme, Keiko, trace sa vie sans trop se poser de questions. Elle est le contraire de ce que le monde attend d’elle et qui la juge pour ce qu’elle est. 
L’auteure aborde ici une thématique universelle qui est la difficulté de trouver sa place dans la société sans se renier. 
Ce sujet est traité avec une certaine délicatesse et l’on imagine bien que sortir hors des sentiers battus ne doit pas être une sinécure au Japon, un pays où le sens de l’honneur est fortement ancré dans les mentalités.

L’écriture de Murata est limpide, sans fioritures. Elle ne s’embarrasse pas de digressions pour nous faire entrer dans la vie de cette célibataire à l’heure du Japon moderne. 

Ce même personnage principal est construit avec brio, on sait directement imaginer ce que peut être sa vie, ses réactions et ses questionnements intérieurs.

Le rythme du roman peut surprendre car il n’y a pas de bouleversements ni de retournements de situation extraordinaires mais une certaine manière de conter la vie d’une japonaise. L’auteure prend son temps pour déployer son histoire qui est aussi la sienne puisque Sayaka Murata a écrit cette fiction alors qu’elle était elle-même… vendeuse dans un konbini. 

 “ … et si on t’inscrivait plutôt sur un site de rencontres? Je sais, on devrait prendre des photos tout de suite ! Avec des clichés pris lors d’une fête entre amis, ça fera meilleure impression et tu recevras plus de demandes de contact qu’avec des selfies. 

— Oh, quelle bonne idée, faisons ça ! s’exclame Miho.
— Mais oui, ça augmentera tes chances! décrète le mari de Yukari en réprimant un rire.
— Vous croyez que j’aurai de bons résultats? Ma question ingénue semble mettre l’époux de Miho mal à l’aise.
— Disons qu’il faut se dépêcher. À ce train-là, tu vas manquer de temps, pour être honnête. Tu n’es plus toute jeune, bientôt il sera trop tard. “ 


L'avis du délirien: ⭐⭐⭐

Certains verront dans cette histoire une succession de platitudes. 
Pour ma part je vois dans l’écriture de La fille de la supérette ce que j’aime le plus dans la littérature japonaise, une histoire sans faux-semblants qui a un je-ne-sais-quoi d’apaisant. 

Bref, ce n’est pas encore demain la veille que je vais faire hara-kiri avec la culture nippone. 

A propos de l'auteure:

Sayaka Murata, née en 1979, est la fille d'un juge et d'une femme au foyer. Elle a travaillé pendant presque dix-huit ans dans un konbini (supérette). Les horaires réguliers lui convenaient bien car elle pouvait écrire quand elle ne travaillait pas.


Alors qu'elle était étudiante à l’université, Murata a suivi des cours privés d’écriture avec le romancier Akio Miyahara.
Son premier roman, "Jyunyū", obtient le prix Gunzō en 2003. En 2009, elle remporte le prix Noma des nouveaux écrivains pour "Gin’iro no uta", le prix Mishima en 2013 pour" Shiroiro no machi no, sono hone no taion no".

En 2016, elle est lauréate du prix Akutagawa pour "Konbini" ("Konbini Ningen").

En France, le roman a été publié sous le titre "Konbini" (Denoël, 2018), puis réédité par Gallimard sous le titre "La fille de la supérette" (2019) puis réédité sous le titre "Konbini - La fille de la supérette" par Denoël en 2021.

Partager votre avis dans la section "Commentaires" juste en dessous.

Commentaires