La lecture de Nicole.S: "Arpenter la nuit" de Leila Mottley....belle de nuit....

Arpenter la nuit, c’est, pour parler de manière plus prosaïque, faire le trottoir.

East Oakland (Californie) au cœur d’une cité insalubre dotée d’une « piscine à crottes » (où personne n’ose se baigner bien évidemment …) Kiara n’a que quinze ans lorsque sa mère commet un acte qui la conduit en prison et qu’elle se retrouve seule avec son frère Marcus, de trois ans son ainé (donc majeur depuis peu et lui évitant de justesse le foyer social …) Leur père est mort d’un cancer quelques années plus tôt, peu de temps après sa sortie de prison.

De son côté, Marcus, qui a lâché son boulot (dans un restaurant asiatique) pour se lancer aveuglément dans des rêves utopiques de rappeur reconnu – ne la soutient plus … Des rêves avortés qui ne lui seront d’aucune aide pour payer les factures. (J’avoue avoir pesté intérieurement à plusieurs reprises, contre son frère et son oncle Ty …)

Seule « hypothétique » lumière encore existante dans cet environnement désespérant : elle trouve du réconfort auprès d’Alé, son amie, chez qui elle sait pouvoir venir manger lorsque son estomac est vide, et auprès de Trévor, son petit voisin de neuf ans, complètement délaissé par une mère toxicomane, dont l’insouciance et le sourire lui donnent la force de se battre. 

Elle tente, tant bien que mal, de payer les factures, de régler un loyer qui ne cesse d’augmenter et d’assumer, seule, des responsabilités qui dépasseraient tout adolescent. 

Un jour, sans jamais l’avoir anticipé, elle se rapproche d’un homme et lui vend son corps. La rue l’absorbe, les billets tombent et, avec eux, éclatent toute la crasse et toute la perversion d’une société qui n’a pas su la protéger.

Leila Mottley, l’auteure, avait l’âge de son héroïne (dix-sept ans) quand elle a décidé d’entreprendre l’écriture de ce premier roman, relatant un fait divers explosif impliquant des policiers californiens (d’Oakland et de la baie de San Francisco) dans une terrible affaire de prostitution de toutes jeunes filles noires … 

C’est percutant, sans concession et d’une extraordinaire maturité … 

Kiara, c’est le corps – marchandé, utilisé et meurtri – mais c’est aussi l’esprit – libre, rêveur et clairvoyant.

L'avis du Délirien: ⭐⭐⭐⭐⭐

C’est un roman qui est très riche par les thèmes qu’il aborde (chômage, prostitution, drogue, corruption…) et très éclairant sur la société qu’il dépeint et, en particulier, sur la condition des jeunes filles noires. 

Un récit choc qui ne laisse – hélas – pas beaucoup d’espoir en une prise de conscience prochaine des forces de l’ordre américaines, censées protéger les plus vulnérables …

C’est un véritable tableau de la misère sociale. 

Je le recommande chaudement, ne serait-ce que pour donner un coup de pouce à cette jeune écrivaine prometteuse!!

A propos de l'auteure:

Leila Mottley a été lauréate «Jeune poétesse de la ville d'Oakland» en Californie, en 2018 à l'âge de 16 ans, après avoir été vice-lauréate l'année précédente. Ses poésies ont été publiées dans le New York Times.

Elle est la plus jeune auteure jamais sélectionnée pour le Oprah's Book Club. Son premier livre, Arpenter la nuit, a été sélectionné pour le Booker Prize le 26 juillet 2022. Leila Mottley est la plus jeune auteure à avoir été sélectionnée.

Elle reçoit en 2022 le Prix Page / America 2022 pour son livre Arpenter la nuit, qu’elle a écrit à 17 ans, inspiré d’un fait divers, dans lequel une adolescente noire est décidée à survivre, coûte que coûte, dans un monde qui se refuse à la protéger.


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