La lecture de Nicole.S: "Les armoires vides" de Annie Ernaux

 


"Les armoires vides" est un roman quasi autobiographique où Annie Ernaux raconte l’enfance de Denise Lesur, très largement inspirée de sa propre histoire.

Au début du roman, on est directement projeté dans une scène douloureuse et violente, Denise se fait avorter. Suite à cet événement, elle va raconter son enfance. 

Denise grandit dans une famille très modeste, ses parents s’occupent d’une petite épicerie de quartier, ils gagnent juste assez d’argent pour survivre, n’ont pas fait d’étude supérieures. Très vite Denise va s’avérer être une élève brillante, ses capacités vont lui permettre d’accéder à une école dans laquelle les élèves appartiennent à une classe sociale bien supérieure à la sienne. Elle va s’instruire, découvrir la littérature, et peu à peu, l’endroit où elle avait grandi, les gens qu’elle côtoyaient, vont lui paraître pathétiques, inférieurs, sales. 

À partir de cet instant, Denise va sans cesse se retrouver écartelée entre ces deux milieux opposés, d’un côté des parents et son village et de l’autre ses études, ses nouveaux amis. Ce décalage va ensuite devenir un véritable gouffre qui sera une source constante de mal-être pour Denise.

La langue de l’auteur est pareille à son histoire, brutale, dure, vulgaire. Quand elle raconte son quotidien à l’épicerie, ses parents, les habitués, elle n’a aucune pitié, elle décrit tout dans les moindres détails, la pauvreté, l’ignorance, la crasse. Pendant tout le roman Denise revient souvent sur ce point, cette sensation de saleté, elle se sent poisseuse, comme si la condition de ses parents était quelque chose de sale qui lui collait à la peau et dont elle ne pourra jamais se débarrasser.

Denise décrit beaucoup ses parents, et on voit à quel point le regard qu’elle porte sur eux change quand elle grandit. Le portrait qu’elle en fait est brutal et choquant, met le lecteur mal à l’aise. Elle n’hésite pas à dire qu’ils la dégoûtent, qu’ils lui font pitié, elle les méprisent.

L'avis du Délirien: ⭐⭐⭐⭐

Annie Ernaux réussit parfaitement à nous faire ressentir ce sentiment de malaise, cette ambiance poisseuse et étouffante. 

La lecture de « Les armoires vides » n’est pas plaisante et divertissante. L’histoire qui nous est racontée est lourde et le mal-être du personnage, impressionnant par son réalisme et sa brutalité, nous pèse pendant toute la lecture.

Néanmoins j'ai beaucoup aimé cette écriture ciselée, et je l'avoue y ait pris du plaisir.

A propos de l'auteure:

Annie Ernaux, née à Lillebonne, Seine-Maritime le 01/09/1940, est une écrivaine et professeure agrégée de lettres modernes. Elle passe son enfance et sa jeunesse à Yvetot en Normandie. Née dans un milieu social modeste, de parents d’abord ouvriers, puis petits commerçants qui possédaient un café épicerie, elle fait ses études à l’université de Rouen puis de Bordeaux. Elle devient successivement professeure certifiée, puis agrégée de lettres modernes en 1971.

Annie Ernaux fait son entrée en littérature en 1974 avec "Les Armoires vides", un roman autobiographique. En 1984, elle obtient le prix Renaudot pour un autre de ses ouvrages à caractère autobiographique, "La Place".
"Les années", vaste fresque qui court de l'après-guerre à nos jours, publiée en 2008, est récompensée en 2008 et 2009 par plusieurs prix. Cette même année 2008, elle reçoit le Prix de la langue française pour l'ensemble de son œuvre.
En 2011, elle publie "L'Autre fille", une lettre adressée à sa sœur, décédée avant sa naissance. En 2016, elle publie à nouveau un récit autobiographique, "Mémoire de fille", dans lequel, près de soixante ans plus tard, elle se penche sur l'année de ses 18 ans, l'été 1958.
En 2017, elle gagne le Prix Marguerite-Yourcenar, décerné par la Société civile des auteurs multimédia, pour l'ensemble de son œuvre.

En 2022, elle reçoit le Prix Nobel de Littérature pour "le courage et l’acuité clinique avec laquelle elle découvre les racines, les éloignements et les contraintes collectives".

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