La lecture de Nicole.S: "Une si longue lettre" de Mariama Bà ,œuvre emblématique du féminisme au Sénégal.


Cycle littérature africaine
Le Sénégal
Confinée pendant la traditionnelle quarantaine imposée par son veuvage, Ramatoulaye adresse une longue lettre à son amie Aïssatou qui vit à l'étranger.
Elle y fait le bilan de son existence, se remémorant les rêves de sa jeunesse, le bonheur de ses années conjugales, puis la douleur de la solitude quand son mari la délaissa pour prendre une seconde épouse.

Même si certaines femmes se sentent assez fortes et libres pour ne pas rester dans leur foyer lorsque cette situation se présente, le poids des coutumes et celui de la religion très présent au Sénégal pèsent dans cette lourde décision.

En s’employant à pointer du doigt toutes les failles d’une société patriarcale à l’image de la société sénégalaise, Mariama Bâ interpelle le lecteur par le biais de Ramatoulaye, le personnage principal de ce roman. Nous sommes plongés dans l’intimité de cette femme dont l’histoire fait naître des débats sur le sujet de la polygamie, de l’amour et de l’amitié.

Comme son amie avant elle, Ramatoulaye découvre après tout le monde les tortueuses intrigues familiales et le remariage de son mari au bout de vingt-cinq ans de vie commune. Contrairement à Aïssatou qui opte pour le divorce et s’exile, elle prend le parti de plier devant le fait accompli, mais en s’effaçant dans une solitude consacrée à son métier d’enseignante et à ses douze enfants : un choix qui, au-delà d’être humiliant, l'isole péniblement. Comble de ce qui n’est pourtant pas de l’ironie, au décès du mari, des années plus tard, il faudra encore que Ramatoulaye bouscule les traditions pour envisager de recouvrer un droit sur sa propre vie. Car, une fois passé l’obligatoire confinement du veuvage, c’est son beau-frère qui est désormais en droit d’en faire une seconde épouse.

Une leçon de vie où se mêlent joies et drames mais où il est surtout question de rendre un hommage à la liberté de la femme, et à sa volonté de s’affirmer et de montrer au monde qu'elle est seule maîtresse de son destin. Un combat qui est d’ailleurs toujours d’actualité au Sénégal et dans le monde.

Un roman culte et poignant du patrimoine littéraire africain traitant avec justesse de la femme et du poids sociétal des traditions qui l’encerclent dans un monde censé la protéger mais qui laisse perplexe.

« Je t’avertis déjà, je ne renonce pas à faire ma vie. Malgré tout – déceptions et humiliations – l’Espérance m’habite. C’est de l’humus sale et nauséabond que jaillit la plante verte, et je sens pointer en moi des bourgeons neufs ».

L'avis du délirien: ⭐⭐⭐⭐

J'ai été happée par ce court roman, qui semble tellement encore d'actualité.

A propos de l'auteure:

Mariama Bâ, née le 17 avril 1929 à Dakar, et morte dans la même ville le 17 août 1981, est une femme de lettres sénégalaise. Elle est issue d'une famille musulmane. Dans son œuvre, elle critique les inégalités entre hommes et femmes dues à la tradition africaine.

Elle obtient son diplôme de titularisation dans l'enseignement en 1947.Mère de 9 enfants, divorcée, elle a été l'épouse du député Obéye Diop.

En 1980,elle a obtenu le prix Noma avec ce premier roman. Elle est morte l'année suivante, peu avant la parution de son second ouvrage.

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