la lecture de Nicole.S: " Les impatientes" de Djaïli Amadou Amal...Patience les filles...


L’écrivaine camerounaise ne dissimule pas ce qu’il emprunte à sa propre histoire, elle qui fut mariée à l’âge de 17 ans à un « milliardaire » d’une cinquantaine d’années.

Le lecteur se retrouve propulsé au Cameroun, découvrant le destin de trois femmes :

Ramla, 17 ans tout juste, souhaite devenir pharmacienne. Son goût pour les études sera compromis par son mariage imposé par son père à l’homme le plus riche de la ville. Ramla devra se soumettre à la toute puissance patriarcale et épouser Alhadji , la cinquantaine, malgré les sentiments qu’elle éprouve pour un autre jeune homme.

Hindou, la demi-sœur de Ramla, quant à elle, sera obligée d’épouser son cousin Moubarak, homme violent, colérique, alcoolique et bon à rien. Elle va subir les viols conjugaux, les brimades, sa vie ne sera plus que peur et angoisse. Le tout avec la bénédiction de sa famille, bien entendu.

Safira, 35 ans, est la première épouse du mari de Ramla. L’arrivée de la jeune fille la fera devenir la « daada-saare », c’est à dire, la guide de la maison. Sur elle va retomber toute la gestion de la concession (la demeure familiale où co-habitent toutes les épouses et leurs enfants). Elle n’aura de cesse de compromettre Ramla pour qu’elle soit répudiée par Alhadji, afin de reprendre sa place dans le cœur et le lit de son époux.

« Munyal » signifie « Patience« . Nos trois héroïnes refusent de se conformer aux règles. Leurs proches leur donneront un seul conseil tout au long de leur vie : Munyal. Aucun dialogue n’est possible. Il faut accepter silencieusement le destin imposé par Allah.

Hindou est violée par son mari ? Munyal.

Ramla se désespère du comportement de Safira envers elle ? Munyal.

Safira refuse cette jeune épouse qui a l’âge de sa fille ? Munyal.

Tel un mantra, ce mot revient inlassablement dans toutes les situations. Le poids des traditions et des coutumes rongent les trois femmes. Elles subissent ou ont subi un mariage précoce et forcé, duquel découlent toutes les violences, plus pernicieuses les unes que les autres : viol conjugal, violences physiques, économiques et psychologiques. Et pourtant, elles ne peuvent pas se rebeller. Elles ne peuvent qu’endurer cette vie dont elles ne veulent pas, prises au piège.

Plus qu’un roman, c’est un témoignage, puisqu’il y a une part autobiographique. Djaïli est une auteure engagée, à la plume nette, précise, sans faux semblants. Elle immerge le lecteur dans une réalité crue et atroce. Elle brise le tabou de cette condition féminine révoltante, cette société qui les dépouille de tous leurs droits, sauf de celui d’être patiente.

Pour l’avenir, Djaïli Amadou Amal pense que l’éducation est la clé. 
Pour pouvoir changer les choses, on doit éduquer nos fils et enseigner à nos filles. Les filles au Sahel ne sont même pas 50 % à être scolarisées, ce qui explique que leur avenir repose sur le mariage. L’éducation des garçons est aussi très importante. C’est le rôle de toutes les mères de faire changer les choses en éduquant leur fils, en leur apprenant qu’il n’est pas concevable de violer et de frapper sa femme. L’espoir d’un avenir meilleur réside dans la jeunesse.

« Le paradis d’une femme se trouve aux pieds de son époux. Le viol n’existe pas dans le mariage ».

L'avis du Délirien: ⭐⭐⭐⭐⭐

Une lecture essentielle, que je qualifierai d’utile. 

Pour s’informer, pour que la prise de conscience se fasse afin que la situation ait une chance d’évoluer.
Une histoire bouleversante, une lecture difficile, qui prône les violences faites aux femmes, ce chantage affectif couplé à cette brutalité physique.
Le propos de l'auteure résonne singulièrement dans une époque travaillée par les violences faites aux femmes.
J’ai dévoré ce livre, accrochée à mon siège, le paquet de mouchoirs à proximité. Comment peut-on infliger cela à des femmes au XXIème siècle ?
C'est un roman qui se dévore (malgré le sujet), grâce à son écriture simple, fluide, percutante, impitoyable, qui met en colère, révolte et désespère.

 A ne pas manquer !

A propos de l'auteure: 
Djaïli Amadou Amal née en 1975 à Maroua  est une militante féministe et écrivaine camerounaise.
Djaïli Amadou Amal entreprend des études supérieures en gestion commerciale. 

Mariée à dix-sept ans dans le cadre d'un mariage forcé, Djaïli a connu tout ce qui rend si difficile la vie des femmes du Sahel. « Dans tout ce que je fais, j'essaie surtout de parler des discriminations faites aux femmes ; c'est mon cheval de bataille ! La presse camerounaise m'a même surnommée la "voix des sans voix" ! ». 
Djaïli Amadou Amal dénonce les pesanteurs sociales liées aux traditions et aux religions. À travers l'écriture elle dénonce les problèmes sociaux de sa région, notamment les discriminations faites aux femmes, mais promeut aussi la culture peule. 
Elle est reconnue comme étant la première femme écrivaine du Septentrion camerounais.

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