La lecture de Nicole.S: "Voyage d'hiver" de Jaume Cabré...Nouvelles courtes mais....

Ces quatorze nouvelles ont été écrites au cours des vingt dernières années. 

C’est en 2014 que l’auteur les a compilées pour ce recueil. 

Toutes abordent pourtant un même thème, et elles se font mille clins d’œil, parfois par un personnage qui se retrouve ici et là, parfois par une œuvre d’art qui resurgit dans plusieurs nouvelles. 

Au cœur de ces histoires, vogue l’Art. Musique, peinture, littérature, quelle que soit sa forme, c’est l’art qui détient le rôle central, et tire les ficelles, agit sur les hommes, les sauve ou les perd mais toujours les éclaire. 

Le style des nouvelles est malgré tout très varié. 

Il n’en reste pas moins que Jaume Cabré maîtrise l’art de la nouvelle. 

Les chutes sont vertigineuses, les sentiers empruntés rocailleux à souhait ; le début, la fin et le milieu parfaitement tenus… Les personnages sont rendus avec finesse durant cette minuscule tranche de vie où nous les côtoyons. 

Dans ce bref laps de temps l’intégralité de leurs parcours apparaît, tel un coup de tonnerre qui vient faire feu dans notre esprit.

La première nouvelle raconte comment Pere Bros l’interprète comme son adieu à la musique quand elle ne lui procure plus aucun plaisir. Le roman se referme sur le coup de fil que Pere Bros passe à son découvreur. Celui-ci l’éconduit. On le découvre, pour aller retrouver son seul et malheureux amour, sur la tombe de Schubert. Ceci est le rapprochement le plus évident du Voyage d’hiver.

L’autre concerne un tableau de Rembrandt qui représente un philosophe en méditation. Cabré retrouve à l’occasion de la découverte et de la vente de ce tableau sa verve historique si présente dans Sa seigneurie. Un récit plein de mensonge, de violence et d’usurpation. Un vrai roman en somme. 

L’occasion d’une autre belle nouvelle : à la mort de sa femme, un mari hypocondriaque, père de trois enfants, apprend à la mort de sa femme et après avoir contemplé ce tableau qu’il est stérile depuis l’âge de quinze ans. 

Le tableau ressurgit sous une forme où une autre dans chaque nouvelle. Même celles d’espionnage, d’assassinat et de marchandage que j’ai trouvé le moins réussies. De la même façon, des bijoux ressurgissent. Le Mal est toujours présent chez Cabré. Univers sans rédemption, plein de manipulation dont, une fois de plus, sa prose à la diabolique maîtrise est le fidèle reflet.

Une des nouvelles de ce recueil m’est allée droit au cœur. Pour cette seule nouvelle j’aurais acheté le livre… Un homme et une femme apprennent à se connaître et s’aimer par la pure grâce de ce que j’appelle la « communication d’esprit ». 

Et leurs esprits dialoguent et pensent en un langage précis : la littérature ! Eh oui, les mots échangés, les images véhiculées sont tous sortis de livres. Les paroles et les regards de ces deux-là sont des citations et des projections d’images et de personnages plus vrais que réels, tous faits de papier et d’encre, tous résidant dans les pages des moult ouvrages de la bibliothèque de la maison. 

L'avis du délirien: ⭐⭐⭐

Et pour ma part, moi qui suis quelque peu fragile dans le fond, c’est la première moitié des nouvelles qui m’a le plus enchantée. 

Dans la deuxième moitié le grinçant, l’enlevé, le cruel et le grand Mal m’ont un peu ébouriffée. 

Si je vous disais que l’écrit est rose, je ne serais pas honnête. Jaume Cabré fait du sombre !

A propos de l'auteur: 

Jaume Cabré, né à Barcelone en 1947.est un philologue, écrivain et scénariste espagnol d'expression catalane.

Licencié en philologie catalane à l’Université de Barcelone, il est professeur certifié en dispense d’activité et enseignant à l’Université de Lleida, membre de la section philologique de l’Institut d'Estudis Catalans.

Pendant de nombreuses années, il allie l’écriture et l’enseignement et rédige des scénarios pour la télévision et le cinéma.

Ses premières publications sont des recueils de nouvelles

En 2005, il publie un second essai : "La matèria de l'esperit" portant sur la lecture littéraire.

La mémoire historique, l'impossibilité du pardon et la peur de l'oubli sont des thèmes récurrents dans son œuvre. Réflexions qu'il reprend dans son livre, "Confiteor"

Il est titulaire de nombreuses récompenses dont le Prix d'Honor de les Lletres Catalanes en 2010, le Prix de la critique Serra d'Or en 2012 avec "Jo confesso", le Prix Courrier international du meilleur roman étranger, 2013 et le Prix Jean Morer 2014 des Vendanges Littéraires de Rivesaltes pour "Confiteor".


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