La lecture de Nicole.S,Claude.M, Patrick.S,Gisèle.D,Patricia.B: "Moi qui ai servi le roi d'Angleterre" de Bohumil HRABAL....voyage en absurdie...


Cycle littérature des Pays de l'Est
République tchèque

Dans ce roman publié sous le manteau dans les années soixante-dix, l’écrivain tchèque raconte l’ascension et la chute d’un garçon de café. 

Son histoire débute à Prague dans les années vingt, le jour où le narrateur encore adolescent est embauché comme groom à l’hôtel “A la Ville dorée de Prague”.  

Doté d’un remarquable sens de l’observation, il apprend très vite son métier et progresse rapidement. Bientôt, il s’enrichit en vendant des saucisses sur les quais de la gare, escroquant parfois au passage des clients trop pressés pour attendre leur monnaie avant de prendre le train. 

Un jour, le jeune garçon de café apprend l’existence de l’Eden, un célèbre bordel situé de l’autre côté de la ville. Poussé par la curiosité, il entreprend d’économiser chaque jour l’argent gagné grâce à la vente de saucisses pour faire sa première sortie chez les filles de l’Eden. 

Il y passe une nuit mémorable avec une prostituée nommée Jarmilka. Marqué par cette expérience, il sera désormais obsédé par l’idée de mener la vie de grand seigneur : “Dès le lendemain, je regardais le monde sous un angle différent, l’argent m’avait ouvert les portes non seulement de l’Eden, mais aussi de la considération.” 

Le modeste petit groom se transforme en arriviste candide et amoral, guidé seulement par sa cupidité, ses désirs sexuels et sa soif de reconnaissance sociale. 

Il poursuit son ascension au sein de différents établissements dont le célèbre Hôtel de Paris, où il devient l’élève d’un maître d’hôtel qui a servi sous le roi d’Angleterre. 

« Il me recommandait d’apprendre à jauger les capacités financières du client pour évaluer ce que celui-ci pouvait ou devrait se permettre comme dépense. Voilà l’essentiel pour faire un bon maître d’hôtel, me disait-il, et quand on en avait le temps, il m’indiquait à voix basse de quel genre était le client qui venait d’entrer. À chaque coup il avait raison, toujours et sans exception. Au point qu’une fois je m’étais enhardi jusqu’à lui demander sans détour : mais comment se fait-il que vous sachiez tout ça ? Et il me répondit en se redressant fièrement : c’est que j’ai servi le roi d’Angleterre »

Le disciple finira par surpasser le maître, et il sera récompensé par l’Empereur d’Ethiopie en personne au cours d’un banquet gargantuesque. 

A la veille de la guerre, le petit groom parvenu fréquente Lisa, une Allemande aryenne originaire des Sudètes. Inspiré davantage  par son arrivisme et ses appétits sexuels plutôt que par de quelconques convictions politiques , il l’épouse au son du Horst Wessel Lied (l’hymne nazi) devant un public de dignitaires du Reich. 

Durant la guerre, les jeunes mariés s’enrichissent en mettant la main sur des timbres de collection pillés chez des juifs, mais leur bonheur conjugal prend fin le jour où Lisa finit décapitée dans un bombardement. Sans regrets, le narrateur abandonne le cadavre de son épouse derrière lui, ainsi que l’enfant débile né de leur union, et rejoint opportunément la Résistance tchèque à Prague dans les derniers mois de la guerre. 

A la Libération, il fonde son propre hôtel et mène durant quelques années une vie prospère. A l’arrivée au pouvoir des communistes, il se dénonce volontairement auprès des autorités et se fait interner dans un camp pour millionnaires. Paradoxalement, cet emprisonnement marque l’apogée de sa carrière et la reconnaissance tant attendue de son statut de personnage riche et important. Désormais parvenu à ses fins, il termine sa vie en exil comme cantonnier à Srni, dans le sud de la Bohême, à entretenir une route perdue au milieu des sapins.

Le roman est remarquable par son comique absurde et burlesque, brillant dans des scènes de banquets gargantuesques comme celle où les cuisiniers de l’Empereur d’Ethiopie embrochent un chameau dans lequel ils glissent deux antilopes remplies de dindons farcis. Ou bien encore dans le spectacle hallucinant de ce centre de reproduction de la race aryenne d’Eiger, sorte de "baisodrome" dans lequel les meilleurs soldats de l’armée hitlérienne viennent s’accoupler avec des jeunes femmes blondes sélectionnées pour leurs qualités de génitrices. 
Dans le roman de Hrabal, cette verve comique est servie par une construction narrative originale sous la forme d’un dialogue  composé de longues phrases enchaînées les unes après les autres et à peine séparées par une simple virgule.

L'avis du délirien: ⭐⭐⭐⭐

J'ai aimé le fait que Bohumil Hrabal aborde des thèmes aussi profonds que difficiles tels que la collaboration, la guerre, l'arrivée des communistes au pouvoir ou encore l'internement en camps de travail. 
Il use et abuse de l' humour qui est d'abord un humour de survie et de résistance.

Du livre au cinéma: 

Est un film tchèque adapté du roman de Bohumil Hrabal, réalisé par Jiří Menzel, sorti en 2006.

https://www.youtube.com/watch?v=VrXkqB8tmNg

A propos de l'auteur:
Bohumil Hrabal est l'un des plus importants écrivains tchèques de la seconde moitié du XXe siècle.

Ses premières publications datent de 1963 ; il devient rapidement un des écrivains les plus populaires de son pays. Après l'invasion soviétique de l'été 1968 qui met fin au Printemps de Prague, il connaît des ennuis avec la censure pour "grossièreté et pornographie" et est interdit de publication. Deux de ses livres sont notamment livrés au pilon en 1970. Pour cette raison, nombre de ses ouvrages sont publiés en samizdat. (Dù à la censure, lsamizdat était un système clandestin de circulation d’écrits dissidents en URSS et dans les pays du bloc de l'Est, manuscrits ou dactylographiés par les nombreux membres de ce réseau informel.)

En 1970, Bohumil Hrabal est encore une fois interdit de publication, et ce n'est qu'après son "autocritique", au début de 1975, que ses livres reparaissent, au prix de mutilations parfois importantes. Cette période d'interdiction sera pourtant très féconde dans sa carrière. Entre 1970 et 1975, il écrit ses œuvres les plus importantes, dont la "trilogie de Nymburk" – ("Postřižiny", "La Chevelure sacrifiée", 1976 ; "Krasosmutnění", "Beau-deuil", 1979, et "Harlekýnovy milióny"," Les Millions d'Arlequin", 1981)

Il compte parmi les signataires de l'Anticharte et lui qui était tombé en disgrâce au moment du Printemps de Prague regagne la faveur du régime qui réenclenche le processus éditorial de ses œuvres.

C'est durant cette période qu'il écrit ses principaux chefs-d'œuvre largement inspirés de sa vie dans un style ou perce l'humour noir, le grotesque, l'ironie : "Moi qui ai servi le roi d'Angleterre", "Une trop bruyante solitude", "Les noces dans la Maison" (trilogie).

Entre 1982 et 1985, il est de nouveau interdit de publication.

Bohumil Hrabal meurt en 1997 à Prague en sautant (ou en tombant) de la fenêtre de l'hôpital  où il est soigné.

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