La lecture de Nicole.S,Geneviève.D: "Epépé" de Ferenc Karinthy...Kafka ou 1984 de Georges Orwell ?

Cycle littérature Pays de l'Est

La Hongrie

Budaï, linguiste qui maîtrise douze langues, est en route pour une conférence à Helsinki. L’avion se pose, l’autobus l’emmène au centre-ville. 

Le voilà dans un lieu qui n’est absolument pas la capitale finlandaise. 

Cité tentaculaire, à la population impénétrable, Budaï n’a pas la moindre idée de l’endroit où il se trouve. 

Comment se faire entendre dans cette ville envahie par la foule, où se pressent partout des files d’attente monstrueuses ? Budaï est en proie à l’oppression et l’enfermement intellectuel et physique, totalement isolé dans une foule tentaculaire en perpétuel mouvement, «une masse gris noirâtre indifférente et impersonnelle, une chair à saucisse vivante et houleuse».  

«Dans la rue, la circulation ne faiblit pas par rapport au soir précédent, toujours autant de véhicules et autant de piétons, klaxonnades, bousculades : il n’arrive pas à saisir où court et d’où afflue tout ce monde à cette heure-ci, du travail ou vers leur travail, ou dans quel but, et simplement qui sont tous ces gens, d’où jaillissent-ils constamment en un tel flot intarissable ?... Personne ne se soucie de lui, on ne daigne même pas le regarder, et si une seule seconde il cesse de se concentrer ou s’il rêvasse, il est aussitôt poussé d’un grand coup, propulsé dans n’importe quelle direction, il est laborieux de se maintenir debout. Il commence à constater que lui aussi doit se comporter violemment, jouer des épaules et des coudes s’il veut progresser ou atteindre un but quelconque.»

De plus, il ne saisit pas un traître mot de cette langue inconnue, et les gens qu’il interpelle ne le comprennent pas plus. 

Plus aucun repère, même la facture de l’hôtel est illisible, même le plan de métro reste incompréhensible. 

« Epépé » est un véritable OVNI, à l’ambiance kafkaïenne. 

Budaï est comme un rat dans un labyrinthe, il essaie par tous les moyens de trouver une sortie, mais il se prend le mur à chaque tentative.

ais Budaï ne se laisse pas abattre. 

Extrait:

Alors Budaï change de tactique, il sort de la cabine et va directement vers le policier. Il s’adresse à lui en allemand, anglais, italien et d’autres langues mais s’embrouille vite, ne sachant pas expliquer quelle information il souhaite, ce qu’il demande qu’on lui indique, une ambassade ou un bureau de tourisme, et de quelle aide il a besoin. Néanmoins le policier hoche la tête, le désigne de son index:

-Tchétentché gloubgloubb? Goulouglouloubb?

C’est ce qu’il a dit ou quelque chose d’approchant, puis il prend un livre de petit format à couverture noire, il le consulte longuement, tourne les pages puis commence à expliquer avec force gestes. Il parle longuement et lentement, lève son bras pour indiquer une direction derrière son dos, il répète doctoralement certaines de ses phrases pour éviter tout malentendu, pourtant Budaï n’imagine même pas de quelle place, de quel lieu l’autre s’efforce de lui parler, ou il veut l’envoyer. À la fin le policier le touche du doigt comme pour lui demander si tout est bien clair:

-Touroubou chétyékétyovovo?

Désemparé, Budaï ouvre les bras, que peut-il faire d’autre. Le policier le salue et s’éloigne.

L'avis du Délirien: ⭐⭐⭐

Le roman compte néanmoins 280 pages et le récit aurait, à mon avis, gagné en intensité s’il avait été plus court. 

En effet, au bout de 200 pages, j’ai trouvé que l’histoire commençait à tourner en rond et l’auteur m’a perdue momentanément en route.

C'est un roman vraiment original, basé sur une idée finalement très simple. Au delà du récit en lui-même, il est intéressant de se demander quel message l’auteur voulait faire passer. Est-ce un roman fantastique? Est-ce un cauchemar ?  

Ou, le roman ayant été publié par un Hongrois en 1970, en pleine Guerre Froide, est-ce une métaphore du communisme, le côté grisâtre, rigide et uniforme pouvant faire penser à l’ex-URSS?

Le roman a le mérite de sortir de l’ordinaire et d’être marquant. Une véritable curiosité! 

A propos de l'auteur: 

Ferenc Karinthy est un écrivain et dramaturge hongrois né à Budapest le 2 juin 1921 et mort dans la même ville le 29 février 1992. Il est le fils du célèbre écrivain et journaliste hongrois Frigyes Karinthy (1887-1938). Linguiste de formation, il est l'auteur d’Epépé, roman à la tonalité kafkaïenne

Fils de Frigyes Karinthy, il est élevé dans un milieu où la culture et l'étude des langues sont fortement valorisées. De 1941 à 1945, il fait des études de littératures hongroise, italienne et anglaise, ainsi que de linguistique, à l'université catholique Péter Pázmány de Budapest. En 1947, il obtient des bourses d'études qui lui permettent de se rendre en France, en Suisse et en Italie.


Partager votre avis dans la section "Commentaires" juste en dessous.


Commentaires