La lecture de Nicole.S, laude,Annie,Patrick,Yves,Barbara,Catherine: " La dernière page" se Gazmend Kapllani : être apatride.....


Cycle littérature des pays de l'Est

L'Albanie

Melsi est journaliste, écrivain albanais vivant en Grèce depuis vingt ans. Nous sommes en 2011 et il rentre à Tirana car son père vient de mourir lors d’un voyage à Shanghai.

Mais que faisait-il à Shanghai ?

Le temps des démarches de rapatriement qui dureront vingt-deux jours, Melsi se retrouve dans l’appartement de son père qu’il avait quitté il y a si longtemps.

Mais qui était réellement son père ?

C’était un amoureux des livres et des langues. Par le passé, il fut responsable de la section des livres interdits à la bibliothèque de Tirana. La littérature, ce qui les réunissait en somme.

Melsi trouve un cahier marron et en commence la lecture, il pense à un roman écrit par son père et très vite il a un choc, une révélation, il comprend que c’est son histoire, celle de la vie de son père. Et petit à petit tout s’éclaire. Il comprendra quelle fut réellement la vie de son père.
Melsi ne comprend pas : le personnage de ce roman, ce « crypto-juif » ( je n'ai pas compris ce que cela veut dire ...)n’est pas né en Albanie mais à Thessalonique en Grèce. 
Son père, dont le prénom était en fait Léon vivait dans le ghetto juif créé en 1943 par les Allemands. Léon, francophile (qui parlait aussi espagnol et grec) comprend vite que la vie de son épouse et de son fils, Isa sont en danger. La petite famille réussit, dans des conditions difficiles, à fuir en Albanie sous de fausses identités. Ils ne sont plus juifs mais musulmans albanais. 
Leur projet initial est de partir à la fin de la guerre, mais lorsque celle-ci arrive, le père, devenu un fervent communiste, renie ses origines juives et grecques et décide de rester dans ce pays, où le nouveau régime promet une vie heureuse à son peuple.

Malheureusement, le régime communiste prend un virage sec vers la dictature et lorsqu’ils s’en rendent compte, il leur est devenu impossible de quitter le pays. 

L’Albanie vient de refermer ses portes. Les habitants sont pris en otage. Isa grandit dans cette famille où on ne parle plus – il suit les traces comme bibliothécaire dans un pays où la censure interdit la lecture des romans « subversifs » – Isa, qui a appris le français est chargé de lire et d’interdire les livres jugés contraires à l’esprit communiste. Il réussit néanmoins à créer une vraie bibliothèque auprès de son épouse, une très belle femme dont il est amoureux. 
Leur fils Melsi naît à la fin des années soixante alors que le régime continue de resserrer son étau et bientôt il est pris dans l’engrenage de la surveillance. Est-il un agent subversif ?


"Telle une balle dans le canon d’une arme, la tentation du suicide était aussi venue se nicher dans son cerveau. Mais il ne trouva jamais le courage d’appuyer sur cette gâchette imaginaire. Même humilié, il aimait encore la vie. Et cet amour de la vie l’amenait à accumuler humiliation sur humiliation."

"Dans un pays où l’on dégaine plus facilement de sa poche un pistolet qu’un bloc-notes, les gens qui lisent et écrivent dans les lieux publics éveillent la curiosité ou les soupçons."

L'auteur revient régulièrement sur l'idée que l'Albanie est un pays qui n'aurait pas dû exister.
Inexistence soulignée par le rappel des peuples qui ont successivement occupé son territoire, et aussi par la volonté du régime d'Enver Hoxha d'éliminer certains héritages du passé: en voulant créer "le premier état athée au monde", rappelle l'écrivain, le chef d'Etat a invité les citoyens albanais à créer des prénoms sans racines religieuses. Vrai, faux? 

L'auteur indique que le prénom "Melsi" a été créé à partir des noms de Marx, d'Engels et de Staline. Par contraste, l'auteur souligne avec force l'origine de certains objets, tel le frigidaire Obodin fabriqué en Yougoslavie - encore un pays qui n'existe plus! 

"La dernière page" invite à un double voyage plus dense qu'il n'y paraît à travers l'histoire et le présent d'une Europe orientale en mouvement permanent.

L'avis du délirien: ⭐⭐⭐⭐


Un roman qui m’a passionné car j’ai énormément appris, d’abord sur les juifs grecs durant l'occupation allemande, qui parlaient entre eux une langue très proche de l’espagnol et j’ignorais tout des ghettos en Grèce. 
Puis ensuite, l’arrivée en Albanie, avant le régime communiste, à l’époque où sur la place du marché, on croisait les Coptes, on entendait le muezzin chanter la prière, les gitans et autres peuples venus vendre leurs produits, ici tout le monde se croisait et s’entendait. 

Mais le régime communiste va interdire tout ce qui a attrait aux ethnies ou à la religion, et les rêves de grandeur vont bientôt faire place à des crises de pénurie (de nourriture ou l’exemple marquant ici, les brosses à dents …) et à des arrestations arbitraires. Cinquante années de régime décrites avec une très belle prose.




A propos de l'auteur: 
Gazmend Kapllani est un écrivain, journaliste et poète albanais d’expression grecque né en 1967 en Albanie. 

Il a vécu plus de 20 ans en Grèce, travaillé comme ouvrier du bâtiment, cuisinier et kiosquier et soutenu une thèse de doctorat.
 
Après avoir écrit des éditoriaux de référence dans la presse grecque, il se consacre désormais entièrement à l’écriture, vit et enseigne aux Etats-Unis.



Partager votre avis dans la section "Commentaires" juste en dessous.

Commentaires