La lecture de Nicole.S: "No-no-yuri" de Aki SHIMAZAKI...en japonais: le lys des champs

                                                                 

Originaire d’une petite ville de la région du San’in, Kyôko est une femme célibataire d’une grande beauté. Tout l’oppose à sa sœur cadette Anzu, divorcée, mère d’un garçon, céramiste reconnue. 

Kyôko, elle, poursuit depuis treize ans une carrière de secrétaire de direction dans une société de cosmétiques à Tokyo. Elle profite ainsi, avec légèreté, du magnétisme qu’elle exerce sur les hommes et s’épanouit au gré de ses voyages d’affaires. 

Mais le départ soudain de son patron et l’arrivée du nouveau, plus jeune, plus charmant, vont ébranler en elle bien des certitudes.

Troisième volet du dernier triptyque "Suzuran" et "Semi" d’Aki Shimazaki, No-no-yuri s’intéresse à Kyôko, fille ainée de Tetsuo et Fujiko Niré que l’on a suivis précédemment. (Je précise que chaque livre peut être lu indépendamment)

Kyôko se protège de l’amour, des chagrins, elle vole d’un amant à l’autre, marié de préférence et rompt dès que l’étreinte s’envenime de jalousie ou d’un désir de possession. Elle fuit puis rebondit, se préserve laissant dans la maitrise chacune de ses décisions. Elle contrôle : son travail, ses gestes, son look, ses relations. Comment, pourquoi ?

La douceur ne sera pas de mise dans ce roman contrairement aux précédents. Kyôko est trop terre à terre pour cela. Les faits se calculent, le quotidien se plie à chaque moule auquel la jeune femme se conforme. Elle est agaçante voire irritante … et pourtant, Aki Shimazaki parvient peu à peu à nous adoucir, nous lecteurs, à nous attendrir face à celle qu’un traumatisme a rendu ainsi.

De sa plume délicate, l’auteure trace les séquelles de l’enfance – ces petites marques indélébiles portées en fardeau que l’inconscient traite et intègre. Ces empreintes en psyché qui feront l’adulte que l’on devient. Elle décrit le grain de sable qui fracture les certitudes. C’est fin, délicat, entre les lignes, comme à chaque écrit qu’elle nous offre.

Encore une fois, avec une efficacité aussi remarquable que les moyens utilisés sont économes et sobres, ce roman ciselé et subtil explore les méandres de la psyché féminine. Quels sont les choix qui lui sont proposés : se marier ainsi que le souhaitent les parents, respecter les traditions qui font d’un mari un associé plus qu’un amant ? S’occuper de ses parents âgés et renoncer à sa liberté ? Préférer la solitude, plus sûre ?

L'avis du délirien: ⭐⭐⭐⭐⭐

Ce troisième titre du nouveau cycle d’Aki Shimazaki est tout aussi succulent que les précédents. Un texte magnifié par une écriture aussi délicieuse qu’impeccable.

La plume délicate de la romancière m’a charmée une nouvelle fois avec le portrait de cette femme. Une héroïne au premier abord peu attachante mais les raisons de son comportement, liées à son passé, suscite finalement l’empathie du lecteur.

Le rythme est lent, les mots envoûtants, avec pour toile de fond la société japonaise d’aujourd’hui.

Un vrai délice, je suis toujours aussi fan !!!!

A propos de l'auteure:

Naissance à Gifu, au Japon, en 1954. 

Arrivée au Canada en 1981, elle s’installe à Montréal 10 ans plus tard. Ayant appris à maîtriser admirablement le français, elle écrit de courts récits qui explorent l’âme japonaise, mais aussi les tragédies, les guerres et les séismes qui ont touché son pays d’origine.

Traduite dans une vingtaine de langues, son œuvre se décline en pentalogies : cycles romanesques de cinq volets, où l’on retrouve les mêmes personnages captés sous un angle différent. De nombreux prix ont récompensé Aki Shimazaki, dont celui du Gouverneur général pour Hotaru (Actes Sud, 2004). Dans No-no-yuri, 18e roman de l’écrivaine, son style minimaliste dessine de façon saisissante le portrait d’une femme moderne.


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