La lecture de Nicole.S: " La vérité sur la lumière" de Audur Ava Olafsdottir, les femmes sont toujours "sages"...


En islandais, les sage-femmes sont littéralement "les mères de la lumière".

"Tout porte à croire que l'être humain sera l'espèce la plus éphémère que la terre ait porté."


"C'est donc une longue tradition familiale que de s'occuper de l'être humain aussi bien au tout début de sa vie que lorsqu'il arrive à sa destination finale"

L'héroïne du texte, Dyja, appartient à une longue lignée de sages-femmes, ses parents ont une entreprise de pompes funèbres et sa sœur est météorologue : trois thèmes (la vie, la mort et le climat) au cœur de ce roman d'Audur Ava Olafsdottir (dont j'avais déjà tant aimé les précédents).
Figure tutélaire de l'histoire, la grand-tante des sœurs, Fifa, sage-femme disparue mais qui a laissé derrière elle une ébauche d'œuvre littéraire et existentielle considérable. 
Dyja occupe désormais son appartement (dans une sorte d'incorporation inconsciente puisqu'elle dort même dans son lit, dans ce décor vieillot auquel elle n'a rien changé), sa tante lui a comme passé le flambeau, l'ayant chargée à demi-mot de continuer son œuvre à sa suite.

"Nous ne savons pas grand-chose, si ce n'est que bientôt, la nuit va s'abattre" était l'une de (très nombreuses) citations qu'aimait proférer cette grand-tante dont le roman est en creux le fascinant portrait, plein de sagesse, de bon sens, de philosophie et de poésie. Et elle ne croyait pas si bien dire, elle qui mit en garde bien avant l'heure, des maux dont souffrirait la planète.

Fonte des glaces, déforestation, disparition des abeilles (qui "sonnera le glas de l'être humain"), fin de l'eau potable, stérilité du vivant liée aux composants chimiques, misères des zoos, extinction de masse, envahissement du plastique... Elle avait tout vu, tout envisagé dans ses essais inachevés consacrés à la "Vie animale". 
Ses descendantes devront passer le message, d'autant que le récit est dès le départ marqué par la sourde menace d'une tempête d'une puissance inédite qui va balayer l'île.

Le roman est une charge virulente contre la destruction qui menace l'humanité si elle ne prend pas enfin la bonne voie, si elle continue de "sacrifier les espèces sur l'autel de sa cupidité". Mais il est aussi un vaste questionnement métaphysique et existentiel qui interroge la naissance, l'instinct maternel, le désir d'enfant.

Aussi curieux que cela puisse paraître, bon nombre de sages-femmes n'ont pas d'enfant. C'était le cas de la tante Fifa, c'est le cas de Dyja, même si elle dira avoir failli devenir mère.

Le livre est aussi une ode aux rencontres hasardeuses, comme celle que la narratrice fait du touriste australien venu "ruminer" sa mélancolie dans l'appartement au-dessus du sien.

"L'homme mûrit plus lentement que les autres bêtes" écrivait la grand-tante dans un de ses cahiers, soulignant sa fragilité, l'immense vulnérabilité du nouveau-né humain, en comparaison des autres mammifères.
"Puisses-tu connaître bien des aubes et des crépuscule" était la phrase humaniste avec laquelle Fifa accueillait les nourrissons qu'elle accouchait, et cela constitue un bien désirable programme.

L'avis du délirien: ⭐⭐⭐

Roman subtil et clairvoyant sur la fragilité et la beauté de la vie, "La Vérité sur la lumière" rend hommage à toutes ces femmes qui, depuis des siècles, offrent attention et amour aux mères et à leurs nouveau-nés.
Le livre est plein de poésie, mais il m'a moins touché que les précédents ouvrages de l'auteure.

A propos de l'auteure:

Auður Ava Ólafsdóttir est une écrivaine islandaise, née à Reykjavik en 1958.
Elle fait ses études en histoire de l'art à la Sorbonne à Paris et a longtemps été maître-assistante d’histoire de l’art à l’Université d’Islande.
Directrice du Musée de l'Université d'Islande, elle est très active dans la promotion de l'art. À ce titre, elle a donné de nombreuses conférences et organisé plusieurs expositions d'artistes.

"Rosa candida" est son troisième roman après "Le rouge vif de la rhubarbe"  et "L'Embellie" qui a été couronné par le Prix de Littérature de la Ville de Reykjavík.

Le Théâtre national islandais a produit sa première pièce de théâtre "Les enfants d'Adam" à l'automne 2011.

Elle reçoit en 2016 le Prix littéraire des jeunes Européens pour son roman "L'exception"  et en 2019, le Prix Médicis étranger pour son roman "Miss Islande".


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