La lecture de Nicole.S: " La plus secrète mémoire des hommes " de Mohamed Mbougar Sarr: le mystérieux manuscrit....


Prix GONCOURT 2021

L'auteur va nous faire découvrir ce roman à travers "le roman", cet auteur à travers "l’auteur"

Diégane Latyr Faye est un jeune écrivain sénégalais, arrivé en France depuis si longtemps qu’il n’envisage pas de retour dans son pays. Lui, l’écrivain, a une obsession qui le brûle : retrouver le roman "Le labyrinthe inhumain" d’un certain T.C Elimane, publié vers 1938, et comprendre comment est écrit un grand livre. 

Ce dernier raconte l’histoire d’un roi acceptant de brûler les vieillards de son royaume au début en échange d’un pouvoir énorme.

Au début du livre, il rencontre une femme écrivain qui , contre toute attente lui montre LE livre....Et là....On est partis vers des aventures vertigineuses.....

L’obsession de Diégane est partagée par tous ceux qui ont approché ce « Rimbaud nègre »comme il a été qualifié. 

La quête de ce personnage énigmatique, qui n’a cessé de se fondre pour se faire oublier, transforme le roman en thriller, le lecteur restant scotché jusqu’à la fin. 

Les rebondissements, les retours en arrière et l’enchevêtrement des récits comme un labyrinthe rendent la lecture des trois livres de "La plus secrète mémoire des hommes" addictive et surnaturelle à la fois.

Il s’agit pour Diégane de rechercher des éléments auprès de ceux qui ont connu cet aîné autant auprès de sa propre famille, au Sénégal, qu’auprès de ceux qui l’ont rencontré en France, comme ses amis éditeurs et les autres écrivains francophones. Mais aussi, son enquête l’amène à Amsterdam auprès d’une étonnante écrivaine originaire de Dakar et même en Amérique du Sud recherché une poétesse Haïtienne.

Tant de questions dans ce livre auxquelles l'auteur va tenter de répondre dans une écriture magnifique et lyrique:

  • Peut-on réellement juger un roman sans prêter attention à l’état civil de son auteur ? 
  • Est-ce qu’un écrivain africain ne reste pas un étranger aux yeux des Français, quelle que soit la valeur de son œuvre ?
  • Pourquoi les écrivains sont parmi les plus médiocres amants ? 
  • Est-ce que la littérature est un moyen de sauver le monde ou le seul moyen de ne pas s’en sauver ?  

Quelques extraits:

 « Venaient les lecteurs occidentaux (osons le mot : blancs), parmi lesquels beaucoup lisaient (les auteurs africains) comme on fait charité, aimant qu’ils les divertissent ou leur parlent du vaste monde avec cette fameuse truculence naturelle des Africains, les Africains qui ont le rythme dans la plume, les Africains qui ont l’art de conter comme au clair de lune […] ah, les merveilleux Africains dont on aime les œuvres et les personnalités colorées et les grands rires remplis de grandes dents et d’espoir… »

Et aussi les propos francs du collier d’une écrivaine d’une soixantaine d’années, dont les seins entraperçus mettent notre jeune écrivain au supplice. Et la dame à la réputation scandaleuse de lui balancer : 

« Les écrivains, et j’en ai connus beaucoup, ont toujours été parmi les plus médiocres amants qu’il m’ait été donné de rencontrer. Tu sais pourquoi ? Quand ils font l’amour, ils pensent déjà à la scène que cette expérience deviendra. Chacune de leurs caresses est gâchée par ce que leur imagination en fait ou en fera, chacun de leurs coups de reins, affaibli par une phrase. »

L'avis du délirien: ⭐⭐⭐⭐

Ce livre m'a fascinée, j'étais emportée dans le tourbillon de cette quête.
Sa lecture n'est pas facile, les jurys du Goncourt ont fait fort cette année !!!
Mais quelle richesse, quel écriture vertigineuse !

Même si l'auteur a éprouvé le besoin d'utiliser surtout au début du livre, un nombre relativement important de mots savants peu connus de le plupart des lecteurs. je lis beaucoup, mais je n'avais jamais eu recours aussi souvent au dictionnaire ! Est-ce pour prouver qu'il maitrise parfaitement la langue française ? ce n'était pas nécessaire, cela fait un peu pédant !

Je cite en vrac parmi ces mots exotiques : gamahucher- épectase - prolegoménes - pygaphilie - mystagogie (et ce n'en est qu'une fraction)

De plus, l'utilisation de "prolégomènes“ ( définition : Longue introduction placée en tête d'un ouvrage, contenant les notions préliminaires nécessaires à sa compréhension) me semble incongrue alors qu'il s'agit (page 85) des préludes à une liaison amoureuse :)  pourquoi pas tout simplement "préludes" ????

Bref, je recommande cette lecture d'une richesse incroyable, 

CA C'EST DE LA VRAIE LITTERATURE !!!

A propos de l'auteur:


Mohamed Mbougar Sarr est un romancier sénégalais d'expression française, né à Dakar au Sénégal en 1990..

Il intègre le lycée du Prytanée militaire de Saint-Louis au Sénégal en 2002. Il obtient le titre de Meilleur élève des classes de Terminale au Concours général de 2009.

Arrivé en France et après des études en classes préparatoires littéraires au lycée Pierre-d'Ailly de Compiègne, il poursuit son cursus à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales (EHESS). Il y effectue un master, formation Arts et langages et travaille également sur Léopold Sédar Senghor.

Il devient lauréat du prix Stéphane Hessel pour sa nouvelle "La cale" (2014), est ensuite récompensé du Prix Ahmadou Kourouma au Salon du livre de Genève et du Grand Prix du Roman métis pour son premier roman "Terre ceinte" puis est élevé au rang de Chevalier de l’Ordre national du Mérite par le Président de la République du Sénégal.

Son second roman "Silence du chœur" est lui récompensé du Prix littérature monde au Festival Étonnants voyageurs de Saint-Malo.

C'est en 2018 que paraît aux Éditions Philippe Rey son dernier roman "De purs hommes".

Il tient par ailleurs un blog : chosesrevues.over-blog.com, espace de travail sur l’écriture, le style et la langue, et où il publie des textes de natures très différentes.

En 2021, il reçoit le Prix Goncourt pour son roman "La plus secrète mémoire des hommes".


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L'avis de Patrick.S:

Je ne sais pas encore si ce livre m’a plu …Le thème est très intéressant et on parvient, il me semble, avec une certaine dose de réflexion, à s’imprégner de l’histoire et des personnages.

Cependant, il faut dépasser le  caractère plutôt cérébral du roman et l'écriture assez complexe, qui demandent une lecture au  calme et un état d’esprit imaginatif. En tout état de cause, l’écriture est magnifique et la langue Française portée à son sommet.

J’ai encore besoin de réflexion et d’échanges pour avoir un avis un peu plus précis, sur ce livre.

En attendant, j’ai sélectionné quelques lignes:

"Quelle est donc cette patrie ? Tu la connais: c’est évidemment la patrie des livres: les livres lus et aimés, les livres lus et honnis, les livres qu'on rêve d’écrire, les livres insignifiants, qu'on a oubliés et dont on ne sait même plus si on les a ouverts un jour, les livres qu'on prétend avoir lus, les livres qu'on ne lira jamais, mais dont on ne se séparerait non plus pour rien au monde, les livres qui attendent leur heure dans une nuit patiente, avant le crépuscule éblouissant des lectures de l'aube. Oui, disais-je, oui : je serai citoyenne de cette patrie-là, je ferai allégeance à ce royaume, le royaume de la bibliothèque."

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