la lecture de Nicole.S: "Le voyant d'Etampes" de Abel Quentin: touche pas à mon pote ....

Jean Roscoff est professeur d'histoire à l'université Paris VIII, spécialiste du maccarthysme et récemment retraité. 65 ans, un profil de loser porté sur la bouteille, divorcé et traînant son ennui entre le bar du coin et les locaux de l'université qu'il peine à quitter tout à fait. 
Parfois le sentiment d'être un peu dépassé, comme lorsque la compagne de sa fille, très investie dans les mouvements anti-racistes tend à lui démontrer que son passé militant à SOS Racisme ne veut pas dire grand-chose. 
Pour occuper ses journées et, pourquoi pas se remettre en selle dans le milieu universitaire, il décide d'écrire un livre sur un poète américain totalement inconnu, Robert Willow.

Sympathisant communiste, l'homme a fui les États-Unis et leur chasse aux sorcières dans les années 50 pour s'installer en France où il a fréquenté la sphère intellectuelle de l'époque. ( Jean Paul Sartre, Albert Camus...) 
Roscoff est simplement amoureux des poèmes engagés de Willow. 

«J'allais conjurer le sort, le mauvais œil qui me collait le train depuis près de trente ans. "Le Voyant d'Étampes" serait ma renaissance et le premier jour de ma nouvelle vie. J'allais recaver une dernière fois, me refaire sur un registre plus confidentiel, mais moins dangereux. »

Il déniche un petit éditeur confidentiel et iconoclaste, le projet voit le jour, le livre paraît et... ce qui aurait dû rester a priori cantonné à un petit cercle de connaisseurs va connaître un emballement imprévu, mais pas pour les bonnes raisons. 
Il se trouve que dans son ouvrage, Roscoff a oublié de mentionner un élément culturel important concernant Willow. 
Oublié ? Ou bien a-t-il tout simplement jugé que ce n'était pas le sujet ? Qu'à cela ne tienne, la machine est lancée, il suffit d'un post de blog, puis d'un tweet re-tweeté à l'infini et la meute se prépare à la curée....
Mais l’essai de Roscoff, parce qu’il est écrit par un Blanc qui fait donc de l’appropriation culturelle en parlant d’un Noir, en un monde où nous sommes assignés à résidence, heurte la conscience «éveillée» des antiracistes professionnels d’aujourd’hui, immédiatement soutenus par la presse bien-pensante et l’ensemble des "REZOSOCIOS", où les hyènes chassent en meute.

Et là c'est un déchainement totalement inhumain contre ce pauvre type ! 

Enfin, cerise sur le gâteau, la littérature est au centre de son propos, que ce soit par le regard posé sur le milieu de l'édition, l'espoir désespéré que la poésie puisse sauver le monde ou par l'attention du lecteur invitée à se porter sur le sens des mots et leur interprétation. 

D’où des démêlés fort drôles qui font l’essentiel du livre. Et par le clin d’œil final, juste parfait !!!

L'avis du Délirien: ⭐⭐⭐

Mon avis sur ce livre est mitigé. 

Les +:

  • J'ai trouvé le sujet intéressant: la cancel-culture ou "comment lyncher sans réfléchir sur les réseaux sociaux" et à la fois effrayant.
  • L’écriture d’Abel Quentin est fine, précise, originale, teintée d’un humour féroce qui cache une vision désabusée de notre époque.
Les -:

  • J’ai trouvé dans le récit beaucoup de longueurs pendant lesquelles le narrateur d’apitoie sur son sort de pauvre homme incompris et ça m’a lassée du récit. 
  • La complexité du propos et des nombreuses idées évoquées a rendu ma lecture un peu difficile.
A propos de l'auteur:

Abel Quentin, de son vrai nom Albéric de Gayardon, est un avocat pénaliste parisien engagé bec et ongles dans la défense de ses clients. 
Il publie son premier roman "Soeur" en 2019 aux édition de l'observatoire, un thriller politique sur la radicalisation islamiste.  Il obtient le prix Première 2020.
En 2021 il publie son second roman "Le voyant d'Etampes", un roman social critique d'un antiracisme et de la cancel culture pour lequel il obtient le prix maison rouge. "Le voyant d'Etampes" obtient le prix de Flore 2021. 
Sa compagne est l'écrivain Claire Berest.

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