La lecture de Nicole.S: "Ce que nous avons perdu dans le feu" de Mariana Enriquez...Brrrr....froid dans le dos !

Littérature ARGENTINE

Paranoïa, schizophrénie, scarifications, incompatibilité sociale…obsessions des personnages.

Quoi qu'il en soit, pour qui n'a pas peur de frissonner, la lecture de ces nouvelles est pour le moins décapante !
Sur un fond noir de crise économique et sociale, la plupart de ces 12 nouvelles perturbantes montrent une jeunesse en délicatesse avec la société : paumés, hallucinés, mendiants (L'enfant sale), filles folles (L'hôtel) , tentées par l'automutilation (La fin des classes), ou encore droguées (Les années intoxiquées). 
Il y a même un hikikomori, un jeune homme enfermé dans sa chambre et coupé du monde si ce n'est par son ordinateur, selon un modèle japonais (Vert rouge orange) ; Marco en effet communique encore par tchat avec son ex-petite amie mais il préfère errer dans le Dark web et des sites horrifiques.
(Ce que nous avons perdu dans le feu) ,pour répondre au machisme ambiant, une série d'immolations féminines volontaires qui laissent leurs victimes défigurées et provoquent des manifestations contre le pouvoir. 
Ailleurs ce sont des apparitions inexpliquées, celle d'un enfant enchaîné que seule la jeune femme voit (Le patio du voisin) ou au contraire des disparitions incompréhensibles comme dans cette maison abandonnée où trois jeunes gens se sont aventurés (La maison d'Adela).
Mais il y a aussi de l'humour dans ce recueil:
La nouvelle (Toile d'araignée), une narratrice mécontente de son mariage avec Juan Martin, trop bien comme il faut, l'emmène pour une fois rendre visite à sa cousine Natalia à Corrientes, loin au nord. Au retour d'une expédition au Paraguay pour acheter des ñanduti, des dentelles de production artisanale dont Natalia fait commerce, aussi fines que des toiles d'araignée, leur voiture tombe en panne. Il leur faut faire halte dans un établissement fréquenté par les chauffeurs de poids lourds dont l'un raconte une hilarante histoire de vol de caravane et de disparition de sa passagère. Mais rien ne sera du goût de Juan Martin. Le lendemain les deux cousines reprendront la route seules...

Ces histoires finissent mal en général. À la fin de (Sous l'eau noire), Marina la procureure venue enquêter dans un bidonville, s'enfuit devant l'espèce de carnaval macabre autour du mort repêché tardivement - à moins que ce ne soit un revenant - après que le curé du quartier s'est suicidé devant elle.

L'avis du délirien: ⭐⭐⭐⭐

L'univers de Mariana Enriquez est noir, très noir. Mais ses nouvelles sont aussi fascinantes car remarquablement écrites  remarquablement construites, bien qu'on ait parfois envie de les oublier assez vite tant elles ressemblent à des cauchemars.
Les nouvelles sont courtes, donc se lisent très vite, mais je n'ai jamais pu en enchainer deux, il m'a fallu faire des pauses pour digérer le sujet...

Bref, j'ai beaucoup aimé cet univers à la fois glauque et fantastique.

J'ai lu ce livre, en découvrant la vie en Argentine, la violence, les croyances, la société gangrenée…

A propos de l'auteure:
Mariana Enriquez est née à Buenos Aires en 1973. Elle  est écrivain et journaliste.

Née d'un père ingénieur et d'une mère médecin, elle a fait des études de journalisme à l’université de La Plata et dirige Radar, le supplément culturel du journal Página 12.

Elle a publié trois romans – dont le premier à 22 ans – et un recueil de nouvelles avant "Ce que nous avons perdu dans le feu" (Las cosas que perdimos en el fuego, 2016), traduit dans dix-huit pays.
Elle vient de publier un "pavé" de 1000 pages "Notre part de nuit" qui me tente vraiment…..

 

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