La lecture de Nicole.S, Mariette et Yves.C: "Suzanne la pleureuse" de Alona Kimhi: bonjour tristesse !

 
Cycle littérature juive

Suzanne pleure, son corps secoué de sanglots, traversé par une peine immense. Les émotions la débordent, la rendent « instable » depuis la mort de son père, inadaptée, accrochée à sa mère et à la routine d’une vie bien réglée dans laquelle il ne se passe rien.
Son corps la dégoûte, elle se cache et devient transparente afin de se préserver de toute épaisseur. Elle pense que rien ne change vraiment, est apolitique et « flegmatique ». Ce qui ne l’empêche pas de sculpter une petite marionnette à l’effigie de Yasser Arafat.

Pourtant elle est traversée malgré elle par l’histoire, celle de son nom, Suzanne Rabin, qui n’est pas lié à la famille de Yitzhalk Rabin, assassiné par un extrémiste religieux en 1995 mais qui par homonymie la rattache fortement à l’histoire de son pays.
"Tout le monde a tellement l'habitude de m'appeler Suzanne Rabin qu'on ne me demande plus si je suis de la famille de. Et comme ma vie est ainsi faite que les têtes nouvelles n'y sont pas monnaie courante, la nécessité de cette mise au point ne se présente presque jamais. Heureusement. (...) Enfin, en guise de conclusion, disons que malgré sa renommée nationale, mon nom est surtout une source inépuisable de malaise et de malentendus."

Elle n’est pas la descendante directe de Suzanne, jeune femme de l’histoire biblique, qui surprise alors qu’elle prenait son bain, refusa les propositions lubriques de deux vieillards qui l’accusèrent d’adultère pour se venger et la firent condamner à mort.
Elle pleura toutes les larmes de son corps devant tant d’injustice. Le prophète Daniel fut certainement touché par ses larmes et s’attacha à prouver son innocence.

A priori rien ne la rattache non plus à cette Suzanne-là si ce n’est un portrait qui la représente et lui ressemble étrangement.

Comment sécher toutes ces larmes ? Naor, lointain cousin, qui s’installe chez elle et sa mère, y parviendra-t-il ? 
Il est beau, plein de ce « mystère masculin » potentiellement dangereux évoqué par la mère de Suzanne : « Ils ont de grandes forces de destruction. Et une forme d’impuissance enracinée. »
Au fil des pages, pourtant, Suzanne redécouvre sa valeur en tant qu'être humain, en tant que femme et en tant qu'artiste, en se confrontant à son cousin Naor venu rendre visite à sa famille en Israël après plusieurs années passées à l'étranger, une confrontation parfois humiliante et douloureuse mais qui permet à Suzanne de rebondir.

Suzanne raconte avec un humour décapant les divers bouleversements qui vont avoir lieu dans son existence sur fond d’élections du Premier Ministre israélien et de déprime nationale généralisée.


L'avis du Délirien: ❤❤❤


"Suzanne la pleureuse" est un festin d'humour et de lucidité . J'ai beaucoup ri face à la dérision de Suzanne. elle fait preuve aussi d'une très grande lucidité quant à la position politique  actuelle d'Israël.
"-Moi j'ai fait peur aux arabes? Je suis venue m'installer dans ma patrie. Qu'y avait-il ici? Rien! deux chèvres et un chameau. Mais dès qu'ils nous ont vus, ils se sont rappelé qu'on pouvait cultiver cet endroit."
J'ai aimé cette écriture ou l'auteure, répète inlassablement sa pensée en démarrant par des mots identiques:"Peut-etre est-ce ...Ou bien, ou bien.... ( page 330 )
Il y avait des jours ou je détestais l'invité, des jours ou...des jours ou..." ( page 388 )

La fin est surprenante et pleine d'espoir.

A propos de l'auteure: 

Alona Kimhi est née à Lvov en Ukraine en 1966. Face à l’hostilité du pouvoir soviétique à l’encontre de la communauté juive elle quitte son pays natal avec sa mère pour Israël en 1972.
Très engagée politiquement – elle milite au sein du parti communiste depuis l’âge de vingt ans – Alona Kimhi confesse son aversion pour la situation au Proche-Orient et le régime au pouvoir en Israël, un régime « qui représente tout ce qu’elle déteste ».
Après une adolescence difficile, elle sort diplômée de la Beit Zvi Academy for Performing Arts et se lance dans une carrière de comédienne. En 1993, elle commence à écrire pour la presse et le théâtre et quitte définitivement en 1996 sa carrière d’actrice, une voie qu’elle dit ne pas avoir vraiment choisie, pour lui préférer l’écriture, un travail solitaire qui correspond plus à sa nature introvertie.
Après la parution d’un recueil de nouvelles très remarquée en Israël, Moi, Anastasia, la consécration internationale ne tarde pas puisque dès 1999 Suzanne la pleureuse, son premier roman, est récompensé du prestigieux prix Berstein en Israël et du prix Wizo en France.

Mêlant ses talents d’observatrice à un humour très personnel, Alona Kihmi est aujourd’hui considérée comme l’une des écrivains israéliennes les plus talentueuses. 

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