La lecture de Nicole.S: "La cheffe, roman d'une cuisinière" de Marie Ndiaye...un délicieux fumet…

Le narrateur qui fut son commis en cuisine, nous retrace son histoire, quasiment depuis sa naissance, jusque ses derniers jours. 

Une enfance pauvre, un placement à Marmande comme bonne dans une famille bourgeoise, dès l’âge de quatorze ans, chez les Clapeau. Un couple qui l’adopte avec bienveillance et pour qui « la viande constituait l’ordinaire... affirmant que la viande les préservait de maux qu’ils ne manquaient pas d’attraper quand certaines circonstances les privaient de porc ou de bœuf à chaque repas».

A ce régime, et avec son talent, la future Cheffe  apprend vite. Une évidence se fait jour, elle est douée pour la cuisine. Elle a même un don pour mitonner des plats et sublimer ce qu’elle touche au point de s’émanciper et de pouvoir s’installer à son compte après une période d’apprentissage et une première expérience à Bordeaux.

A vingt ans, la voici dans la peau d’une Cheffe, à l’aube d’une carrière qu’elle n’a jamais envisagée et de louanges qu’elle ne cherche pas. Le succès arrive sans tarder, la presse l’acclame, le public est au rendez-vous d’autant que sa cuisine est généreuse et ses prix d’une grande modestie.

Progressivement nous serons amenés à connaître la relation qui liait le narrateur et cette femme. Car il travaillait dans ses cuisines, dès lors qu'elle avait eu ouvert un restaurant. Mais il l'a surtout aimée et admirée éperdument. D'un amour peu équilibré puisqu'elle le devançait en tout : elle était son aînée de vingt ans, son maître dans l'art culinaire, son mentor dans le savoir vivre, et le savoir être. Par les mots de cet homme nous apprenons à apprécier les forces et les vertus de cette femme. 

«Elle trouvait excessives les louanges dont on s’est mis à couvrir sa cuisine. Elle comprenait les sensations puisqu’elle s’appliquait à les faire naître, n’est-ce pas, et que leur manifestation sur la figure des convives l’enchantait, c’est tout de même bien ce à quoi elle s'évertuait jour après jour, depuis tant d’années, presque sans repos. Mais les mots pour décrire tout cela lui paraissaient indécents.»

Seulement voilà, il y a un grain de sable dans cette vie entièrement vouée à l’art culinaire, la Cheffe entretient un rapport complexe avec sa fille, tout en lui passant tous ses caprices. Enceinte très jeune, sans père reconnu, la Cheffe n’a jamais vraiment assumé sa maternité. Considère-t-elle son restaurant comme son enfant ?

Sa fille qu’elle a eue jeune, peut-être avec le jardinier, seule preuve du plaisir charnel qu'elle s’est autorisé durant sa vie. Car si cuisiner est un acte épicurien, la cheffe semble totalement détachée de ses émotions, incapable de les communiquer aux autres autrement que par ses plats. Sa fille, son opposé, vulgaire et clinquante, n’aura d’ailleurs de cesse de la tourmenter (jusqu’à couler son restaurant), lui faire payer quelque chose d'incompréhensible pour le narrateur, de flou pour le lecteur, peut-être simplement le fait de lui avoir préféré la cuisine.

L'avis du Délirien: ❤❤❤

Un beau portrait de femme qui est entrée en cuisine comme on entre en religion : en se donnant totalement. Une ode à l'amour , la perfection, mais les méandres de la filiation et de toutes les déceptions.

Des fumets odorants, des légumes ciselées délicatement, des viandes farcies, des desserts sobres, des poissons iodés s'échapperont des pages que vous allez lire.

Le seul petit bémol que j'y mets, c'est toujours un peu l'écriture de l'auteure, elle déploie ses phrases sur des lignes et des lignes, à grand renfort de relatives. Mais elle l'alourdit assez souvent par un excès d'adjectifs et d'adverbes.

Néanmoins , je suis ravie de changer d'avis par rapport à "trois femmes puissantes" que j'avais moyennement aimé.

Merci à mon amie Isabelle.dV de m'avoir orientée vers celui ci !

A propos de l'auteure:

Marie NDiaye, née le 4 juin 1967 à Pithiviers dans le Loiret, est une femme de lettres française. Née de mère française et de père sénégalais, elle est la sœur de l'historien Pap NDiaye (1965). Elle est l'épouse de l'écrivain Jean-Yves Cendrey (1957), avec lequel elle a trois enfants.

Son père quitte la France pour l'Afrique alors qu'elle n'a qu'un an. C'est donc sa mère, professeur de sciences-naturelles, qui élève Marie et son frère.

Elle a fait des études de linguistique à la Sorbonne et a obtenu une bourse de l’Académie de France pour étudier à la Villa Médicis, à Rome. Marie NDiaye s’est mise à l’écriture très tôt, vers l’âge de douze ans. 

À dix-sept ans, elle publie son premier roman, "Quant au riche avenir". Son roman "En famille" connait du succès lors de sa publication en 1990 et la consécration suit en 2001 avec le roman "Rosie Carpe" qui lui vaut l’obtention du Prix Femina. En 2009, elle obtient le prix Goncourt pour "Trois femmes puissantes". 


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Commentaires

  1. Ton billet, bien senti, me replonge dans ce roman que j'ai adoré. C'est même mon préféré de cette autrice car l'histoire m'a emportée au point d'oublier le style chargé.

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  2. Tu nous mets l'eau à la bouche. A déguster sans modération. Isabelle

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merci d'avoir laissé ce commentaire très pertinent !