La lecture de Nicole.S: "Marcher jusqu'au soir" de Lydie Salvayre....l'homme qui marche



Les éditions Stock, dans le cadre de la collection "Ma nuit au musée" ont proposé à Lydie Salvayre de passer la nuit dans le musée Picasso, lors de l'exposition Picasso/ Giacometti à l’ombre de la sculpture "l'homme qui marche" qui lui plaît beaucoup. 

Elle commence par refuser, puis finit par accepter, mais une immense angoisse l’étreint et elle ne songe qu’à fuir, s’échapper à tout prix, comme si un danger la guettait. 
Cette nuit au musée va lui permettre d’exprimer son ressenti et tout ce que lui inspire l’œuvre.
Mais là, le trou...elle n'arrive pas à ressentir quoique ce soit pour cette œuvre !

"L’Homme qui marche n’avait pas, cette nuit-là, marché vers moi, ni moi vers lui. Il s’était refusé à moi, et moi à lui, rendez-vous manqué, c’était indubitable."

La réflexion sur L’Homme qui marche de Giacometti est très intéressante, car Lydie Salvayre creuse dans tous les sens, cherche à approfondir, ce que l’artiste a voulu exprimer.

J’ai aimé aussi la manière dont elle critique les musées qui selon elle enferment les œuvres, les tiennent en cage, et surtout sa diatribe contre le monde de l’art : l’entre soi d’une certaine élite culturelle, sous la houlette de celui qu’elle appelle « le ministre des distractions » au lieu de ministre de la culture, ce qui en dit long, le pouvoir de l’argent dans l’art.

"Nous vivions dans un monde qui définissait l’être par l’avoir, et la beauté par son prix…"

Elle revient aussi sur son enfance avec son père violent, le « fragnol » que l’on parlait à la maison et la manière dont les enfants issus de l’immigration se sentent à part, vis-à-vis de l’art, de la culture, car ils pensent ne pas maîtriser suffisamment la langue.

"Il y a un talent toutefois que j’ai acquis, grâce à mon père en quelque sorte, et que je vérifie à  chaque fois : c’est que mon corps m’avertit d’instinct dès que je suis en présence d’un pouvoir toxique (tyran, tyranne, tyrannette ou tyranneau) mon corps, comme alerté par un sixième sens, se tient sur ses gardes, comme alerté par un sixième sens, se tient sur ses gardes, il se cabre en dedans, c’est difficile à expliquer, il se hérisse, s’aiguise, se révolte, prêt à se défendre ou à fuir et me murmure gaffe !

Lydie Salvayre évoque aussi les doutes de Giacometti, dont l’estime de soi est vraiment très basse et qui se considèrait comme un raté.

"Giacometti avait en lui assez de puissance pour s’offrir le luxe d’être modeste, il était immensément modeste parce qu’immensément puissant, et réciproquement."

On rencontre au passage des artistes qui ont fait un peu de route avec Giacometti : Beckett, Picasso (qu’il n’aimait guère, trop solaire pour lui si modeste) ainsi que le rôle important de son frère Diego dans sa vie…

Bien-sûr la rencontre qui n’a pas pu se faire au cours de la nuit au musée, va se produire plus tard, les réflexions de Lydie Salvayre s’étant un peu décantées et elle comprendra tout le sens du message de Giacometti, en éclairant sa propre histoire. Mais je vous laisse découvrir tout cela…

L'avis du Délirien: ❤❤❤


J’ai apprécié le ton corrosif , son humour et ses réactions épidermiques, sa colère ne sont pas pour me déplaire, même si elles se retournent souvent contre Bernard son compagnon !

J’ai pris beaucoup de plaisir à lire cet essai et les réflexions de l’auteure me touchent car elle considère que son statut d’enfant d’émigrés pauvres, a tendance à l’exclure du monde de l’art, ce qu’elle a réussi dans la littérature n’est pas encore « mûr » dans la peinture ou la sculpture, comme si elle ne s’en donnait pas le droit, cet art étant monopolisé par les intellos friqués…

J'ai beaucoup aimé la dernière phrase du livre:

"L'art ne valait rien sans doute mais rien ne valait l'art"

A propos de l'auteure:

Lydie Salvayre naît en 1948 à Autainville d'un couple de républicains espagnols exilés dans le sud de la France depuis la fin de la Guerre civile espagnole. Son père est andalou, sa mère catalane. Elle passe son enfance à Auterive, près de Toulouse, dans le milieu modeste d'une colonie de réfugiés espagnols.

Le français n'est pas sa langue maternelle, langue qu'elle découvre et avec laquelle elle se familiarise par la littérature.
Après son bac, elle suit des études de lettres à l'université Toulouse-Jean-Jaurès, où elle obtient une licence de Lettres modernes, avant de s'inscrire en 1969 à la faculté de médecine. Après avoir obtenu un diplôme de médecine, elle se spécialise en psychiatrie à Marseille, où elle exerce plusieurs années comme psychiatre à la clinique de Bouc-Bel-Air.

Lydie Salvayre commence à écrire à la fin des années 1970 et commence à publier dans des revues littéraires d'Aix-en-Provence et de Marseille au début des années 1980.

Après plusieurs sélections de romans pour des prix littéraires, son œuvre La Compagnie des spectres, reçoit le prix Novembre, puis est élue « Meilleur livre de l'année » par la revue littéraire Lire.
En 2014, elle écrit son roman "Pas pleurer", qui obtient le prix Goncourt. L'écriture de ce roman est motivé par la lecture "des Grands cimetières sous la lune", de l'écrivain français Georges Bernanos.

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