La lecture de Nicole.S: " Le chant des revenants" : le racisme, toujours là....


Jojo n’a que treize ans mais c’est déjà l’homme de la maison. 
Son grand-père lui a tout appris : nourrir les animaux de la ferme, s’occuper de sa grand-mère malade, écouter les histoires, veiller sur sa petite sœur Kayla.
De son autre famille, Jojo ne sait pas grand-chose. Ces blancs suprémacistes n’ont jamais accepté que leur fils fasse des enfants à une noire Léonie, Michael est blanc et bien sûr sa famille a dit « pas de pute noire chez nous ». 
Jojo connaît peu son père, d’autant qu’il purge une peine au pénitencier d’État.

Sa mère n’avait que dix-sept ans quand elle est tombée enceinte de lui, elle aimerait être une meilleure mère mais cherche l’apaisement dans le crack, peut-être pour retrouver son frère, tué alors qu’il n’était qu’adolescent.

La drogue lui permet d’oublier. « Les chaussures que je n’ai pas achetées, le gâteau fondu, le coup de fil. Le bébé qui dort dans mon lit pendant que mon fils dort par terre, au cas où je rentrerais pas claire et où je l’obligerais à se mettre par terre. »
Mais si tout le reste disparaît, les fantômes du passé reviennent la hanter avec chaque fois plus d’acuité. À commencer par un frère mort il y a 15 ans, Given, qui lui apparaît chaque fois.

"Il y a trois ans, j’ai pris un rail et j’ai vu Given pour la première fois. Ce n’était pas mon premier rail, mais Michael venait d’être mis en prison. J’avais commencé à en prendre régulièrement ; un jour sur deux j’étais penchée au-dessus d’une table, je séparais de la poudre, je traçais et j’aspirais. Je savais que ce n’était pas bien : j’étais enceinte. Mais impossible de résister à l’envie de sentir la coke grimper dans mon nez, exploser dans mon cerveau et cramer la tristesse et le désespoir que je ressentais depuis le départ de Michael."

Léonie vient d’apprendre que Michael va sortir de prison et décide d’embarquer les enfants en voiture pour un road-trip plein de dangers, de fantômes mais aussi de promesses…

Parallèlement, nous découvrons l'histoire de Richie, lui, avait 12 ans lorsqu’il a été interné dans un camp de travail. C’est le grand-père de Jojo qui l’a connu là-bas, où il était lui-même à l’âge de 15 ans. L’homme, « avec son dos droit et ses mains comme des racines », raconte depuis toujours ces sombres histoires du passé à son petit-fils. Et Richie, le revenant, vient murmurer à son tour à l’oreille de Jojo. Pour le garçon, la cause est entendue : « Il n’y a pas de bonheur ici. »

Roman polyphonique, les voix de ces trois personnages prennent tour à tour en charge la narration dans "Le chant des revenants", formant la trame de cette histoire puissante. Souvent présentée comme l’héritière de Toni Morrison, Jesmyn Ward mélange de façon fluide les époques, mêle étrangement réalisme cru et lyrisme léger, et remonte jusqu’aux origines du drame sudiste qui se joue encore aujourd’hui.

Une belle histoire qui dénonce le racisme, les ancêtres kidnappés et vendus comme esclaves, les conditions d’enfermement dans le prisonnier d’État dans ce Sud tellement convaincu de la suprématie blanche.

L'avis du Délirien: ❤❤❤

J’ai beaucoup aimé l’écriture, le style de Jesmin Ward que je ne connaissais pas du tout, et donc envie de m’attaquer à un autre de ses romans. Elle est dans la lignée de Colson Whithead avec "Underground railroad" que j'avais adoré. 

A propos de l'auteure: 


Jesmyn Ward est née en 1977 à DeLisle, dans l’État du Mississippi. Issue d’une famille nombreuse, elle est la première à bénéficier d’une bourse pour l’université. 
Son premier roman, "Ligne de fracture" a été salué par la critique. 
Mais c’est avec "Bois Sauvage"  qu’elle va connaître une renommée internationale, en remportant le National Book Award.
Avec "Le Chant des revenants", sélectionné parmi les dix meilleurs romans de l’année 2017 par le New York Times, Jesmyn Ward devient la première femme deux fois lauréate du National Book Award.
Jesmyn Ward vit dans le Mississippi, avec son époux et leurs deux enfants.

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